• Giscard, ou la révolution du Temps - Biographie essentielle de Valéry Giscard d'Estaing - RoyautéNews

    Par M. de La Garde, notre invité permanent de La Rédaction pour cette biographie essentielle de RoyautéNews.     ©RoyautéNews

    Nous pensions, hier, en publiant une présentation de son dernier roman, que VGE avait surmonté les secousses de cette année 2020. Le thème même de son roman, respirait, peut-être pour la première fois, le détachement... Était-il las, se sentait-il déjà en congés ?

    M. de La Garde nous donne une biographie "à chaud", synthèse soulignant les éléments centraux de l'homme dans son destin et dans son œuvre, et en allant à l'essentiel, principe de nos biographies.

    Nos ajouts du 4 décembre, oublis ou précisions, seront signalés en bleu quelque temps.

    « Je voudrais regarder la France au fond des yeux, lui dire mon message, et écouter le sien.»1

    Il restera jeune, celui qui vient de nous quitter. Au fait, nous a-t-il quittés ? Jeune, car il n'a pas atteint les très dignes 102 ans de l'élégante May Bardoux.

    Au début de l'année 2020, cela faisait 64 ans qu'avait commencé l'épopée Giscardienne.

    Valéry Giscard d'Estaing est l'un de ceux, très rares, qui auront dominé la politique mondiale à long terme, au 20ème siècle et au début du 21ème. Il est le dernier des grands fauves politiques français. Sa longévité politique couvre la période qui s'étend de 1956 à 2015 environ, et même jusqu'à ce départ puisqu'il restait membre du Conseil Constitutionnel.

    Ministre essentiel du Général de Gaulle et de Georges Pompidou, il fut le 3ème Président de la Vème République, onze fois député du Puy-de-Dôme et Président de la Région d'Auvergne durant dix-huit ans. Il fut l'inspirateur de l'UDF, qu'il présida plus tard, dans les années 90, l'une des deux principales familles politiques de la Droite et du Centre.

    Il est le refondateur du courant politique libéral français.

    Ce serait une lourde erreur de considérer qu'à elle seule, la lueur évidente de son septennat, qui en fut le phare, résumerait un très dense parcours.

    - Le poids politique de Giscard commence en 1959, et couvre de façons diverses la vie politique française jusqu'en 2006 environ.

    - Son rôle international a dépassé très largement le cadre temporel de sa présidence.

    La pendulette d'Agénor Bardoux aura sonné une seconde fois pour un rôle avec rang de chef d'État : en 2002, VGE devient Président de la Convention européenne sur l'avenir de l'Europe, qui aboutit à la rédaction de son projet de Constitution (rejeté par le Referendum de 2005, mais adopté en force l'année suivante).            

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    Valéry Giscard d'Estaing est né le 2 février 1926 à Coblence, dans un milieu de tradition aristocratique. Il est fils d'Edmond Giscard d'Estaing, haut fonctionnaire, directeur adjoint des finances auprès du Haut-Commissaire de France en Rhénanie, et de May Bardoux, et par elle, héritier d'une dynastie politique remontant au Premier Empire.

    Il grandit dans un milieu particulièrement en vue dans les années 30, immergé parmi les grands noms du monde industriel et du service de l'État.

    Entre la fin de ses années lycéennes à Janson, où il présente en 1941 deux Bacs en même temps, Philo et Maths, pour lesquels il obtient la mention Bien à l'âge de quinze ans, et son accession à la présidence se comptent un peu moins de trente-trois années.

    Après Taupe, à Louis-le-Grand, il entre à Polytechnique en 1944 dans la botte.

    Dès l'adolescence, il a conscience d'une ambition dont le but n'est pas déterminé mais qui souhaite s'exercer par d'autres chemins que ceux du service long de l'État puis des affaires, que son père a suivis. Son aspiration est de jouer un rôle concret, s'apercevant assez rapidement qu'il réside pour lui dans l'exercice du pouvoir. Dès lors il poursuit ce sommet, en une ascension droite.

    Engagé volontaire dans l'Armée de Lattre, il participe aux combats en Allemagne puis en Autriche comme chef de char. Cité à l'ordre de l'Armée, il reçoit la Croix de Guerre ainsi que la  Star Medal de bronze (américaine).

    Sorti de Polytechnique dans la botte en 1946 il entre à l'Ecole Nationale d'Administration. A l'issue, dans la botte aussi, il choisit l'Inspection des Finances, qu'il quittera sitôt le temps de service obligatoire, [ avant d']  pour entrer dans la sphère du pouvoir où il se trouve déjà.

    Très tôt, dès le début de sa scolarité à l'ENA, il se spécialise dans les questions monétaires, avec lesquelles il s'était familiarisé grâce au théories financières publiées par son père, Edmond Giscard d'Estaing.

    Avec le doublé magique de l'X et de l'ENA, de laquelle il sort dans la botte comme après être entré dans [celle] la botte de la première, VGE a créé un modèle dans les années 50, toujours le premier à l'heure actuelle. Il se décompose en une prépondérance souveraine de l'Inspection des Finances, déjà corps de tête avant la Guerre, et devenue après Giscard, voie royale à la sortie de l'ENA. Et comme un emblème de la Technocratie énarchique, autour de laquelle gravite la fameuse définition des « élites à la française », consacrées au service de l'État sous ses diverses formes, et dont l'exemple incarné de Valéry, mais aussi de sa famille, reste inégalé.

    En 1952 il épouse Anne-Aymone de Brantes, fille du [Commandant] Lieutenant-Colonel de Brantes, mort en déportation. Ils auront quatre enfants.

     

    En 1954, il entre au cabinet d'Edgar Faure, qui dira plus tard qu'il jouait auprès de lui le rôle d'un secrétaire d'État. En juin 1955, il est nommé directeur adjoint du cabinet d'Edgar Faure, revenu au pouvoir comme Président du Conseil. 

    En janvier 1956 il a été élu député du Puy-de-Dôme au 1er tour au siège familial, détenu jusque là par son grand-père Jacques Bardoux. Dès la fin du mois de janvier il sera admis comme suppléant au sein de la commission des finances. Il représente la France à la 11ème session de l'ONU [ et]  où il prend la parole en décembre 1956. Il sera réélu député dix fois, et au 1er tour en nov. 1958, nov. 1962, mars 1967, juin 68 et mars 1973. En sept. 1958, de Gaulle le confirme comme délégué de la France à l'ONU.

    Il parfait son ancrage auvergnat en emportant au 2nd tour, mais très haut la main, en 1958 le canton de Rochefort-Montagne.

    Le retour du Général aux affaires en 1958 voit pour lui le moyen providentiel d'en terminer avec la IVème République, retour pour lequel il vote à l'Assemblée (en votant contre Pflimlin le 13 mai, en votant les pouvoirs spéciaux au gouvernement le 20 mai, et le 1er juin, votant l'investiture du Général de Gaulle), [de même qu'ensuite pour les pleins pouvoirs et pour les nouvelles institutions]. Auparavant, il était désigné ministre pour l'éventuel cabinet d'Antoine Pinay, auquel est préféré Félix Gaillard.

    En janvier 1959, à moins de 33 ans Valéry Giscard d'Estaing entre au gouvernement, comme Secrétaire d'État au Budget. Plus jeune ministre de la Ve République, il y occupe un rôle de plus en plus influent.

    Ministre des Finances et des Affaires économiques du Général de Gaulle en janvier 1962, il donne à la France une politique monétaire, et dote le pays d'un Franc fort. Il est dès lors, et le restera, le champion des équilibres budgétaires, qui resteront sa marque. A la fin de l'année, il constitue la base de sa future puissance politique, le groupe parlementaire des Républicains Indépendants.

    Par la suite, il trace les grandes lignes d'un outil, mis en œuvre par Michel Poniatowski, afin d'exercer une influence autre que la sienne. Il s'agit d'un mouvement politique, créé en 1966, en continuité de son groupe parlementaire.

    Dès 1965, le courant giscardien fonde ses espoirs sur une prochaine conquête du pouvoir. VGE  est "remercié" en janvier 1966, remplacé par Michel Debré aux Finances, ce qui facilite sa posture de partenaire critique de la majorité, aboutissant au célèbre "Oui, mais" ; appelée aussi la période des cactus, et en 1969, à son désaccord sur le referendum sur les institutions.

    En Juin 1969, il retrouve le ministère des Finances, qu'il ne quittera plus jusqu'en 1974.

    Plus encore peut-être que sa présidence, la carrière de VGE s'est identifiée au succès de la présidence Gaullienne, en étant sa garantie économique et financière. S'il a hérité le capital de confiance accordé à Pinay, la perception de confiance par tous les publics s'est construite autour de la personnalité et de la compétence hautement technique de Valéry Giscard d'Estaing.

    Sous la présidence de Georges Pompidou, Valéry est ministre des Finances et l'un des principaux ministres du gouvernement. Il devient Ministre d'État quelques mois avant la mort du Président. S'il a renoncé à se projeter dans la course présidentielle en 1969, sa voie est déjà toute tracée.

    Personnage essentiel de la décennie gaullienne et de la présidence pompidolienne, la réputation d'efficacité de Giscard s'est inscrite dans le temps, un temps dense.

    Il est élu le 19 [10]  mai 1974 Président de la République. Sa présidence marque un tournant aussi bien dans le style que dans l'ambition diplomatique affichée alors par la France. Il introduit le concept de détente dans les relations internationales, en invitant Leonid Brejnev à Paris avant de se rendre lui-même en URSS.

    [Il assure à la France durant son mandat, la place de 3ème puissance nucléaire tactique.] 

    Il fait accéder la France durant son mandat, à la place de 3ème puissance nucléaire tactique.

    Les débuts de son mandat sont un succès. A l'intérieur il instaure un esprit de dialogue et un climat de confiance. Mais peu à peu il attire la critique, car dans sa démarche très ouverte, il est le reflet contraire d'une époque, gagnée peu à peu d'une inquiétude encore diffuse, minant déjà le bien-être des « Trente-Glorieuses ». Une partie de ses électeurs de 1974 ont eu le sentiment d'avoir été floués par les lois, notamment la législation sur l'avortement, les amenant à se répéter leur refus de ces « hommes de Droite faisant une politique de Gauche », traçant le chemin, avant Mitterrand, du Front National. Nombreux seront ceux qui causeront ainsi l'échec de sa réélection.

    Après l'élection de François Mitterrand en 1981, VGE entame, après un temps de latence, une nouvelle carrière et reconquiert avec ténacité l'espace médiatique et politique. Il impose rapidement, à partir de 1983, sa présence sur l'échiquier alors même que les ténors de la Droite s'étaient acharnés à le critiquer. Il reconquiert progressivement ses mandats. Conseiller général, puis député.

    Dès 1983, le nom de Giscard était sur toutes les lèvres comme le Premier ministre de Cohabitation appelé à s'installer à Matignon. Mitterrand aura eu la prudence de choisir un premier ministre moins dangereux pour lui.

    En 1988 pour l'élection présidentielle, ou en 1993 pour la seconde Cohabitation qu'il ne tentera pas de conduire, et en 1995 où il ne se présentera pas, il ne cherchera pas à s'engager dans la course, voulant se réserver certainement pour un rôle européen, ou pour une mission de redressement à un poste ministériel qu'il aurait aimé se voir confier.

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    Dans ses choix d'action politique, l'opinion personnelle de VGE est présente, mais de façon toute relative. Identification même du Centre, perçue par tous comme une Droite modérée ouverte vers un centre élargi, devenu son axe de gouvernement (le fameux « 2 Français sur 3 »), n'avouait-il pas il y a quelques années qu'il se situait personnellement beaucoup plus à Droite ?

    Il exerce ainsi son but, qui est celui d'un homme d'État supérieur, qui fait prévaloir ses vues, [  exprimé selon ses vues,   et ] appuyées selon l'ancrage qu'il s'est choisi, et comme en ont possédé Mitterrand, ou au 19e siècle, Morny.

    Son modèle ? Poincaré, déjà en honneur dans sa famille. Cette l'image de l'homme d'État rappelé pour sauver le Franc, fut le rêve que Giscard caressa plusieurs fois, surtout entre 1995 et la Dissolution, et à partir de 2002 lors du retour de la Droite.

    Valéry Giscard d'Estaing a été porteur d'une vision, bien que de manière si différente par nécessité de celle du Général, et tout comme Mitterrand, [  pour] celle d' avoir ressenti l'aspiration de se situer au dessus des partis. Il eut aussi une vision européenne des enjeux. L'une de ses idées persistantes fut aussi de réconcilier les Français, et aurait même souhaité les réconcilier avec leur passé, notamment avec la monarchie.

    Il demeura longtemps un repère des milieux aristocratiques, en dehors de toute question politique, par la vertu de son style, se trouvant comme une vigie protectrice dans l'arène publique. Ainsi a persisté, longuement, chez ceux qui lui reconnaissait une supériorité, le sentiment que, par sa seule présence surveillant les grands enjeux, d'une sécurité sur laquelle on pouvait compter, et plus encore s'il revenait.

    Au-delà des engagements visibles de Giscard, il poursuivit en même temps des enjeux si actuels et qui nous dépassent. C'est ainsi qu'il fut le premier homme politique, en 1977, dans un discours, à évoquer le nouvel ordre économique mondial.

    Dans sa dernière décennie politique très active (2000 à 2010), il affectionne les déclarations, au sujet de l'Euro, des monnaies, ou de l'Europe, surprenant le monde, entraînant chaque fois une onde de choc mondiale.

    Son influence demeura constante durant les trente ans qui succédèrent à son départ de l'Élysée. Beaucoup de ses fidèles, et parmi eux, des parents, se retrouvèrent dans les cabinets de Droite, durant toute cette période, spécialement à partir de Jean-Pierre Raffarin.

    Sur le plan international, ces dernières années, il a été cité que le nom de Giscard d'Estaing, était, notamment en matière de finances, une référence morale. 

    L'Auvergne, sa terre de prédilection en France, fut aussi le théâtre de ses choix d'infrastructure. Nous leur consacrerons un encart.

    Au sujet de son élection à l'Académie française, ce qui la justifie pleinement à mes yeux, en dehors de ses œuvres politiques, a été sa déclaration à la mort de Jean Edern Hallier, estimant qu'il manquait aujourd'hui, en France, de polémistes. Faire œuvre de littérature, c'est aussi encourager de façon pertinente et décisive tout art d'écriture.

    Son prestige souffrait quelque peu des records himalayens de popularité de Jacques Chirac. Il conservait de sa longue expérience une saveur douce-amère, répétant souvent qu'il n'avait pas été compris. C'était le rôle de sa fondation, destinée à rappeler les grandes lignes de son œuvre d'État. Il se persuadait, vers 2015 : « Je sais que je reste toujours dans le cœur des Français ».

    On a tant dit sur son lien particulier avec le Temps... Il est unanimement reconnu comme l'un des Pères fondateurs de l'Europe. C'est de l'absence de son visage, dont l'Europe politique a manqué pour atteindre la cohérence qu'il lui souhaitait.

    Sur le plan historique, Giscard a recréé en France le courant libéral, identifié par René Rémond, dans son célèbre cours de Sciences-Po sur les 3 Droites, comme le courant libéral et orléaniste  de la Droite française. Pour Giscard, il était nécessaire de constituer une force qui vienne contrebalancer ceux qu'il considérait comme les boutiquiers du Gaullisme.

    Les institutions européennes, ainsi que les grands rendez-vous diplomatiques français, ou internationaux continuent aujourd'hui sur la lancée impulsée par Valéry Giscard d'Estaing et ils continuent de scander les relations internationales : notamment la collaboration franco-allemande, avec le couple de tête de l'Union ; la monnaie unique, le serpent monétaire, le G7, le dialogue Nord-Sud.

    Sa perception du Temps n'avait pas d'âge, elle ne revêtait pas de calcul comptable, mais elle était faite d'une sensibilité aigüe des moments décisifs des changements, et des évolutions nécessaires ou dont le cours, sourdement, se prépare.

    C'est cette manière de ressentir le Temps, dont la mesure est au Présent  en un Présent permanent, un peu «à la chinoise» selon la culture dont il s'était imprégné, qui est sa marque et qui deviendra peut-être l'une des clés de l'avenir. C'est peut-être cela, le véritable legs de Valéry Giscard d'Estaing.

     

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    1. Phrase prononcée lors de sa déclaration de candidature en 1974.

    Giscard, ou la révolution du Temps

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