• Usage des drones

    La Rédaction

     

    Cette interview a été prise chez Dalloz. Elle est d’intérêt général, et sur un sujet gravissime.

    Elle peut servir de base de travail. À ce titre d’information, et n’ayant pu contacter par leur faute les responsables de ce site, nous avons pris la liberté de la reproduire.

    Destinée à l’information, cette reproduction n’entraîne de notre part, dans le cadre du présent article, ni adhésion ni opposition. Notre avis se trouve facilement par la lecture de nos parutions.

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    L’article de Dalloz Etudiant

    Marthe Bouchet, professeur à l’Université Sorbonne Paris Nord, spécialiste de droit pénal, a bien voulu nous répondre de nouveau sur les drones (Dalloz actu étudiant19 mai 2022). En effet, le refus du Conseil d’État de suspendre en référé le décret du 19 avril 2023 pris pour l’application des dispositions du Code de la sécurité intérieure autorisant l’emploi par les forces de l’ordre de caméras aéroportées à des fins de prévention des atteintes à l’ordre public et de protection de la sécurité des personnes et des biens, issues de la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure du 24 janvier 2022 a attiré notre attention de manière aiguë.

     

    Que dit la décision du Conseil d’État concernant l’emploi de drones par la police à des fins de surveillance ?

    Le Conseil d’État était saisi du décret n° 2023-283 du 19 avril 2023, lequel précise les modalités d’utilisation des drones prévues par les articles L. 242-1 s. du Code de la sécurité intérieure, à des fins de police administrative, c’est-à-dire afin de prévenir les atteintes à l’ordre public (et non à des fins de police judiciaire, ce qui supposerait d’enquêter sur une infraction pénale déjà commise). Le dispositif législatif ayant été validé par le Conseil constitutionnel (décis. n° 2021-834 DC du 20 janv. 2022), il restait encore la possibilité de contester ce décret d’application, et par conséquent les articles R. 242-8 à R. 242-14 du Code de la sécurité intérieure qu’il a créés. Plusieurs arrêtés préfectoraux s’étant déjà fondés sur ces textes, un particulier et une association ont saisi le juge des référés du Conseil d’État afin d’obtenir la suspension du décret. De nombreuses associations – l’association de défense des libertés constitutionnelles, la Ligue des droits de l’homme, la Quadrature du Net, et le syndicat des avocats de France – se sont jointes à leur requête, démontrant l’enjeu fondamental de la décision : le cadre juridique autorisant l’utilisation de drones à des fins de police administrative allait-il tenir ? Le juge des référés a donné une première réponse positive à cette question, en refusant de faire droit à la demande de suspension du décret. 

    Quels étaient les arguments soulevés par les requérants ? 

    La recevabilité de la requête étant acquise, les requérants devaient démontrer un doute sérieux quant à la légalité du décret. De façon générale, ils invoquaient la non-conformité du décret au droit européen, et notamment à la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, la méconnaissance des articles L. 242-1 s. du Code de la sécurité intérieure, et au-delà, l’atteinte disproportionnée portée au droit au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles. En effet, ils soulignaient les nombreuses imperfections de ce décret : absence d’étude d’impact préalable ; absence de limite suffisante à la durée de conservation des données ; largesse des finalités permettant l’utilisation des drones ; manque de critère objectif pour identifier les cas dans lesquels un enregistrement accompagne la captation des images, ou pour désigner les agents aptes à se servir de ces drones, ou pour choisir entre visionnage en temps réel ou en temps différé, ou encore pour justifier une exception à l’information du public. En un mot, l’encadrement proposé par le décret serait bien trop lacunaire et imprécis.

    Pour quelles raisons ces arguments ont-ils été rejetés par le juge des référés ? 

    Le juge des référés a répondu, point par point, aux différents arguments soulevés par les requérants. Les finalités justifiant l’usage de drones à des fins de police administrative lui semblent suffisamment circonscrites, puisqu’elles reprennent celles prévues par la loi déjà validée par le Conseil constitutionnel. Surtout, il relève que les autorisations sont données au cas par cas et pourront être contestées devant le juge administratif. Par ailleurs, il admet que le décret ne précise pas tout, et que l’on s’en remette à des doctrines d’emploi, établies par les ministères concernés, quant au choix entre visionnage direct ou différé, ou quant aux exceptions à l’information du public. L’anonymisation des données et la traçabilité des actions dans un registre dédié lui paraissent enfin de nature à éviter une atteinte trop importante au droit au respect de la vie privée. Il retient tout de même une précision intéressante : l’impossibilité de stopper l’enregistrement lorsque l’intérieur d’un domicile est visé n’est acceptable que dans « des circonstances matérielles rendant impossible d’interrompre l’enregistrement de telles images ». 

    Quelle est la portée de cette décision rendue par le juge des référés ? 

    Cette décision conforte le cadre juridique permettant à l’autorité publique de faire usage de drones, à des fins de police administrative. Néanmoins, il s’agit de la décision rendue par le juge des référés, statuant en urgence sur la suspension du décret. Le Conseil d’État se prononcera sur la légalité « au fond » de ce décret dans les prochains mois. Il faut attendre cette décision pour écarter tout risque d’annulation du décret ; d’autant, on le rappelle, que les critiques ont été très vives (CNIL et Défenseur des droits) quant à ce cadre juridique conféré à l’utilisation des drones. 


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