La Rédaction
L'Espagne vient de traverser et traverse un épisode douloureux et profond qui est une nouvelle page des relations de la Catalogne avec Madrid. La Princesse Marie-Thérèse de Bourbon fait le point avec Royauté-News.
Elle représente la vision de sa famille, qui défend le fédéralisme (non l'indépendance), celle en même temps du Carlisme historique, pivot central pour comprendre l'enjeu Catalan, alors que son neveu, le Duc de Madrid a récemment prôné, dans ce dossier comme dans tous les autres, le dialogue et la concorde. Dans un entretien très dense, elle exprime ici la position officielle et politique de la maison royale de Parme.
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Princesse Marie-Thérèse de Bourbon.
« - La nation est ce qui est primordial. La nation, on dit qu'elle est l'âme d'un peuple... La tradition, les aspirations, ont besoin d'une structure, politique et économique qui est l'Etat, qui permet de les faire coïncider pourvu que le peuple adhère et marche avec lui. Cela s'organise bien sûr autour d'une Constitution, mais il ne peut exister qu'avec l'accord des peuples.
Il existe une nation catalane, une nation basque, une nation celte... Nous sommes pour l'unité nationale dans la diversité. Mais la Constitution de 1978 a vieilli et a restreint les autonomies. On en voit les conséquences aujourd'hui et cette évolution n'a pas été réalisée en accord avec la population, ce qui aboutit à ce choc lamentable et dangereux. »
« Il faut revenir à l'adhésion du peuple, retrouver un respect qui n'a pas existé de la part du Gouvernement ni dans la presse madrilène. Là, il y a eu exaltation et ce n'est pas bon. Le séparatisme est dommageable, mais il faut souligner que les statuts d'autrefois ont été restreints. Comme l'a déclaré mon neveu, nous prônons le consensus et la concorde. Certes le referendum n'est pas juridique mais il aurait fallu se parler, alors que là, nous sommes parvenus à une situation dangereuse. »
« La presse française doit aller en profondeur dans l'analyse. L'opinion française doit mesurer les choses de façon équanime. Il y a eu quelques bons articles, comme dans La Croix et Libération.
Il y a eu une exaltation dangereuse des deux côtés. Ce qui compte pour nous est la paix civile. »
(A notre question sur les violences, mises en avant) : « - On a exagéré les violences car il n'y a pas eu de blessés graves sauf une personne qui a perdu un œil, et Pepe Nadal, un recteur qui a été blessé, mais il y a eu beaucoup, beaucoup de blessés légers. On a tiré avec des balles en caoutchouc, ce qui est dangereux. Mais il était absurde d'envoyer les troupes de Police. En outre, cela légitimait le referendum... Quand on ne reconnaît pas les votes, il est inutile d'envoyer la Police. En effet, il y a eu échauffement, mais heureusement il n'a pas abouti. »
« Nous sommes pour le consensus. Rajoy n'a jamais écouté les propositions de la partie adverse. Ces dernières années la société civile espagnole et la société civile catalane ne se sont pas parlées. Par exemple, cette histoire bien connue et significative : on sait que les Mossos (services de Police) n'avaient pas accès à Interpol. Lorsqu'on posait la question, du côté espagnol on répondait : - Si ! Ils ont accès à Interpol, mais... à travers nous.
« Sans ce refus de dialogue, il n'existerait pas ce patriotisme « pompier », ou cocardier. Nous avons beaucoup vécu en Catalogne, et dernièrement encore, j'ai passé le mois d'août en Catalogne du Nord, il est vrai plus séparatiste. Certains catalans le vivent ainsi : pour eux la Catalogne a la position la plus tranquille, elle est prête à l'intégration européenne sous la forme de grandes régions. Ils sont très européens et avec une certaine naïveté ils pensaient que l'Europe allait les accepter et même qu'elle les aiderait. »
(Sur Puigdemont) : « - C'est un homme courtois, et cultivé, et ce n'est pas un fanatique. »
(Au sujet du roi ou du Gouvernement) : « - Nous ne sommes pas contre eux mais les responsabilités doivent reposer sur une compréhension en profondeur. Si le referendum avait eu lieu on aurait su les positions et la répartition des groupes sociaux. Mais là, les partisans de l'indépendance ont été très gênés, heurtés, par l'intervention des polices. L'intervention policière était malheureuse et n'a fait que grossir le camp des Indépendantistes.
On doit privilégier une attitude fondée sur le dialogue, non sur une attitude juridiciste. »
(Existe-t-il une aspiration de la population catalane pour une indépendance, en dehors des chefs indépendantistes et de leurs soutiens ?) : - « Oui mais malheureusement elle a été depuis longtemps accentuée. La Constitution est devenue inadaptée et elle n'a pas été développée, et ses statuts d'autonomie font que l'on n'est plus aussi libre qu'avant, à l'intérieur des provinces et de ces statuts. »
On avait à les développer. Au contraire, l'accès direct à Interpol, on l'a vu, a été refusé. En raison de l'accroissement du tourisme les Catalans souhaitaient un réseau routier plus dense, cela a été refusé. On n'a cessé de dire non (1), et à force cela a exaspéré les gens. »
« Il faut aussi considérer les conditions dans lesquelles la Constitution a été votée. Deux questions étaient posées : - Voulez-vous la démocratie et une monarchie avec Juan Carlos ? ou : - Voulez-vous continuer avec le même régime ?»
« Pour les monarchistes, la monarchie n'a pas été votée. Même pour les « stricts monarchistes » (la branche opposée à la nôtre) (c'est-à-dire, celle de Juan Carlos) et c'est la même chose pour les Républicains ! Cela a donné de l'aile aux Républicains. C'est bête, aurait-on eu le courage de poser les questions : - démocratie ? - et : voulez-vous une république ou une monarchie ? La monarchie aurait triomphé. »
Max Weber décrit deux types de morale. Dans cette question de la Catalogne on aurait dû se poser la question, selon la morale de responsabilité : Est-ce que les conséquences sont en accord avec ce que l'on souhaite ? Tandis que c'est la morale de la conviction, qui empêche le consensus, et fait appel comme on l'a vu à des arguments juridiques mais sur le papier, qui l'a emporté. Pour les deux, et surtout pour Madrid.»
(Parlant de sa famille) : « Plus que pour revendiquer, il est important que mes neveux soient des leaders en Espagne et en Europe, des référents en termes de consensus, de liberté, et d'équilibre, capables de proposer et de faire découvrir des choses nouvelles. »
1. il existe d'autres exemples de refus.
Texte ©Royauté-News