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Xavier Leloup est écrivain et créateur des éditions La Ravinière, en Touraine, qui publient ses ouvrages à compte d’éditeur avec une préférence pour les auteurs qui aiment communiquer.
La présentation de la saga Les Trois Pouvoirs Clic!
RoyautéNews : En quoi la plongée dans les aventures palpitantes du début du XVe siècle rapportées dans votre saga Les Trois Pouvoirs, peut- elle apporter à notre Temps ? Peuvent-elles aider nos contemporains qui recherchent de nouveau un sens ?
Xavier Leloup : Pour palpitante qu’elle soit, la saga des Trois Pouvoirs n’a pas la prétention d’aider nos contemporains à trouver un sens à leur époque. Ce que ces romans historiques permettent, en revanche, c’est de découvrir une période à la fois tragique et grandiose, épique, passionnante, durant laquelle la France lutte pour sa survie : celle de la guerre de Cent Ans. Mais, ici, avec une originalité, puisque l’action débute en plein règne du roi fou Charles VI.
Afin que de bien comprendre son époque, mieux vaut déjà bien connaître son histoire, et la forme romanesque constitue selon moi la meilleure manière de s’y plonger.
RoyautéNews : On a l'impression que les péripéties des personnages, et des situations, véritable roman vivant, sont tout l'inverse des affaires sordides d'aujourd'hui... Quel est votre avis sur ce point de vue ?
Xavier Leloup : Le XVe siècle recelait lui aussi ses affaires sordides et certains membres de l’élite, déjà, n’éprouvaient aucun scrupule à se vendre au plus offrant. Cela étant dit, le tableau n’était pas aussi sombre qu’aujourd’hui. A l’instar des Yolande d’Aragon et des Guillaume de Gaucourt de mon roman, il existait des personnages dont la noblesse de cœur et le courage contrastaient fortement avec les compromissions de certains grands seigneurs tels que Jean Sans Peur, le duc de Bourgogne, ou Georges de La Trémoïlle, le premier chambellan de Charles VII.
RoyautéNews : Ce qui apparaît dans toute saga historique, comme dans Les Trois pouvoirs, ce sont les qualités de courage et d'audace, denrées complètement ignorées aujourd'hui tant elles ont disparu et sont même, totalement inconnues. De ce fait, et malgré la difficulté ou l'impossibilité évidentes des transpositions, doit-on s'inspirer directement du Passé, et y puiser comme d'une ressource morale, pour affronter les situations d'aujourd'hui et de demain ?
Xavier Leloup : Je ne me cache pas d’avoir voulu exalter les vertus de courage, d’audace et d’héroïsme à travers ma saga. Si certains de mes personnages ont de quoi faire froid dans le dos, mes héros ne manquent pas de ressources pour déjouer leurs machinations. De ce point de vue-là, Les Trois Pouvoirs constituent une saga moins sombre que Les rois maudits de Maurice Druon et peut-être plus proche, dans l’esprit, des romans historiques d’Alexandre Dumas.
Mais pour revenir à votre question, il me semble que notre époque souffre de la perte du sens du sacrifice. Jusqu’à une époque récente, les Français étaient pourtant disposés à donner leurs vies pour défendre leurs familles et leur pays. Force est de constater que ce n’est plus le cas aujourd’hui. Prisonniers que nous sommes du confort matériel, nous avons perdu cette ressource morale qui, historiquement, nous a toujours permis de relever la tête. Mais ne désespérons pas. Il demeure une aspiration naturelle à la grandeur et à l’absolu, en particulier parmi les jeunes générations. À nous de l’encourager et de leur faire aimer la France dans sa dimension spirituelle. C’est avec cette idée de transmission et d’amour de l’histoire de France chevillé au corps que j’ai voulu créer la saga des Trois Pouvoirs.
RoyautéNews : Selon vous était-on plus heureux en général qu’aujourd’hui, au temps de Charles VI ? L'espérance semblait l'animer, puisque tant d'énergies se déployaient...
Xavier Leloup : Si l’on se place d’un point de vue strictement matériel, le monde de Charles VI était certainement moins fortuné qu’il ne l’est aujourd’hui. C’est en particulier le cas vers la fin de son règne où en plus de sa folie, l’invasion anglaise, les émeutes urbaines et la guerre civile entre Bourguignons et Armagnacs firent cruellement souffrir les Français. La société de l’époque demeurait toutefois structurée par la foi en Dieu et l’amour du roi, qui constituent deux grandes formes d’espérance. Habitué que nous sommes à la Ve République, nous avons perdu de vue ce que pouvait représenter le roi de France, la sacralité de sa personne ainsi que l’amour qu’éprouvaient pour lui ses sujets. Notons également que les individus vivaient de manière beaucoup moins isolée qu’aujourd’hui et savaient se distraire, s’adonnant aussi bien aux jeux de hasard qu’au fameux jeu de paume, comme le lecteur pourra le découvrir à la lecture des différents tomes de ma saga.
Certes, les batailles de l’époque pouvaient se révéler sanglantes. Mais celles-ci étaient somme toute assez rares et n’engageaient tout au plus que des effectifs de quelques milliers de combattants. Les valeurs d’honneur et de chevalerie n’étaient d’ailleurs pas un vain mot, et l’on pouvait festoyer ensemble après s’être écharpé sur le champ de bataille, ce qui dénote in fine un assez haut degré de civilisation.
Pour reprendre votre expression « d’énergie », je pense donc que l’homme du XVe siècle disposait d’une énergie vitale bien supérieure à celle de l’homme moderne. Mais les périodes dures font les hommes forts, dit-on, et Dieu ne nous envoie aucune épreuve que nous ne soyons capables de traverser. Commençons par cultiver nous-mêmes les vertus que nous souhaiterions voir plus répandues, et nous verrons bien ce qu’il adviendra. Pour reprendre les mots de Jehanne d’Arc : « Agissez et Dieu agira ».
RoyautéNews : La liberté, liberté d'action, de pensée aussi, pour les grands acteurs de l'Histoire, dépeints dans votre suite, qu'il s'agisse des princes ou des personnages essentiels, semblent animer le décor, y compris de la part de personnages modestes et dépourvus de moyens, comme Jehanne, ou ceux, composés par vous pour le récit, comme Guillaume de Gaucourt et (sans doute) le roi des Tartas. Avez-vous perçu, en sondant cette période de la fin du Moyen-Age, que quiconque doté d'une volonté et de riches qualités pouvait, sans grands moyens de richesse, entrer dans les événements, agir sur la réalité, chose empêchée aujourd'hui ?
Xavier Leloup : C’est une bonne question. La société médiévale me parait en fait moins figée que la nôtre où, au-delà des apparences, c’est bien la taille de votre compte en banque et l’étendue de votre réseau qui déterminent fortement vos chances de réussite. Or au Moyen Âge, l’ascension sociale n’avait rien d’impossible. L’Université était gratuite et permettait aux moins favorisés de s’instruire. De Jacques Cœur à du Guesclin, l’histoire de France regorge de ces exemples de personnages élevés pour leurs qualités jusqu’aux plus hauts cercles du pouvoir par des rois de France ouverts aux meilleurs talents. Ajoutons à cela que la vie de cour sous Charles VI était plus familière et moins codifiée qu’elle ne le devint plus tard sous un roi comme Louis XIV. Quant à Charles VII, il manque d’argent et vit dans un moins grand faste que son cousin et concurrent, le duc de Bourgogne. Il était donc d’autant plus susceptible de faire bon accueil à ceux qui souhaitaient se mettre à son service, qu’il s’agisse d’une Jehanne d’Arc ou de mes héros, Guillaume de Gaucourt et son compagnon Dimenche Le Loup.
RoyautéNews : Un mot sur votre aïeul, Dimenche Le Loup ?
Xavier Leloup : Si Dimenche Le Loup a réellement existé, ce personnage n’est pas mon ancêtre. Du moins, que je sache ! C’est en fait à la lecture de l’ouvrage « Vol et brigandage au Moyen Âge », de Valérie Toureille, que j’en ai opportunément découvert l’existence. Dès lors, comment ne pas vouloir le mettre en scène ? Il s’agit donc d’un clin d’œil qui, en creux, montre que nos patronymes ont des origines parfois bien plus anciennes que nous le soupçonnons.
RoyautéNews : Avez- vous prévu une suite à votre saga, ou une prochaine aventure historique, sous votre plume ou celle d’un autre auteur [ La Ravinière édite les auteurs de romans historiques ] ?
Xavier Leloup : J’ai prévu de prolonger la saga des Trois Pouvoirs jusqu’à son logique dénouement, soit la fin tragique de Jehanne d’Arc à Rouen. D’ici là, les éditions La Ravinière auront le plaisir de publier une biographie inédite de Guillaume X d’Aquitaine, le dernier duc d’Aquitaine et père de la célèbre Alénior. Une autre période historique tout aussi passionnante !
RoyautéNews : En plus du roman historique, de l’essai historique et des rééditions de chefs d’œuvre ou de classiques comme celui de Quentin Durward sur Louis XI, et d’Ivanohé de Walter Scott, dans la traduction faite par Alexandre Dumas, La Ravinière s’ouvre donc à un nouveau genre : la biographie !
La liste des genres pourrait-elle s’élargir ?
Xavier Leloup : Sans aucun doute. Notre ambition est de transmettre l’histoire sous toutes ses formes, qu’il s’agisse de biographies, de romans, d’essais, d’études ou encore de B.D. historiques.
RoyautéNews : Lorsque vous avez fondé votre maison en 2021, le ou les premiers tomes, ou votre ouvrage « Les grandes dames de la Guerre de Cent Ans », étaient-ils déjà écrits ?
Xavier Leloup : J’ai fondé les éditions La Ravinière au moment de la sortie du 3e tome des Trois Pouvoirs, La reine de fer. L’idée d’écrire un ouvrage dédiée aux Grandes Dames de la guerre de Cent Ans ne m’est venue que dans un second temps, lorsque je constatai l’appétit du public pour les portraits de « femmes historiques » tirés de ma saga. Les Grandes Dames constitue donc une sorte de prolongement des Trois Pouvoirs où de Yolande d’Aragon à Jehanne d’Arc, en passant par Christine de Pizan ou Isabelle de Bavière, les femmes occupent une place de premier plan. Avec cet essai, j’ai notamment voulu montrer que contrairement à certaines idées reçues, les femmes n’ont pas attendu l’époque moderne pour s’illustrer.
RoyautéNews : Quelles ont été vos principales sources pour la précision des événements et du cadre, plutôt des chroniques et récits romanesques, ou des ouvrages d’histoire ?
Xavier Leloup : Un peu de tout, mon capitaine ! Pour les événements et le cadre historique, ce sont les ouvrages d’histoire classiques, et notamment la magnifique biographie de Charles VI écrite par Françoise Autrand, qui m’ont été le plus utiles. Quant à l’aspect romanesque, je dois tout à Alexandre Dumas, Walter Scott et Maurice Druon, qui m’ont tout trois servi de modèles.
RoyautéNews : Merci !
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