• L'Interview du candidat Diego Ancalao pour le Chili

    La Rédaction

     

    Nous vous présentons cette nouvelle Interview fondamentale du leader chilien Mapuche Diego Ancalao Gavilán. Au mois de mars, il s'est déclaré candidat à la future élection présidentielle du Chili qui se tiendra en novembre 2021, accomplissant ainsi un acte historique.

    L'Interview du candidat Diego Ancalao pour le Chili

     

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    Pour comprendre la logique de cet ensemble : la réponse à la 1ère question, située après les trois préambules, remonte au mois de mars, avant l'officialisation de la candidature.

    Les passages soulignés ou gras, ou entre guillemets, ont été volontairement choisis par le candidat.

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    L'Interview de Diego Ancalao Gavilán

    L'Interview du candidat Diego Ancalao pour le Chili

    Préambule premier. RoyautéNews :

    Il y a quelques jours se sont tenues différentes élections locales (15-16 mai).

    Avez-vous été présent dans ce premier combat avec vos amis et que direz-vous à ceux qui, Mapuche ou non Mapuche, se sont présentés à ces élections ? Et à ceux qui ont approuvé le processus constituant ?

     

    Diego Ancalao : Les 15 et 16 mai, nous avons démontré qu'un vote peut changer la vie. Et si elle peut changer la vie, elle peut aussi changer le pays. Aujourd'hui plus que jamais dans l'Histoire nous devons nous unir, non seulement pour écrire la nouvelle Constitution, mais pour écrire l'Histoire. Nous ne serons plus jamais spectateurs. 140 ans pour ce qui est de mon peuple Mapuche et 200 ans pour le Chili, c'était assez d'attendre. Ce que nous avons fait aujourd'hui se répercutera dans les générations à venir.

    "Aujourd'hui plus que jamais dans l'Histoire nous devons nous unir. Nous ne serons plus jamais spectateurs".

     

    Préambule Second. RoyautéNews : Le processus constituant, qui a atteint son point culminant en octobre et novembre 2020, fut à certains égards une grande déception. Pouvez-vous décrire le mauvais fonctionnement des ouvertures apparemment accordées au Peuple Mapuche et aux autres peuples originaires ?

    Pour autant, soutenez-vous l'approche de ceux qui ont postulé pour les sièges réservés ?

     

    Diego Ancalao : - Je suis traversé de pensées au sujet du processus constituant dans lequel nous sommes embarqués. Ce qui ressort est que je perçois la distance abyssale entre le Chili qui vient de s'éveiller entre les bras des gens ordinaires, plein d'espoir pour un pays plus équitable et plus juste, et la manière dont le système des partis gère ce moment crucial de notre histoire.

    Mais ce qui est en train de se passer a aussi son intérêt. Comment ont-ils pu générer ces perceptions de changement, à un moment où tous rejetaient les politiciens professionnels ? La réponse est aussi triste que simple : ils ont suscité ce conflit depuis leur propre champ de bataille, c'est-à-dire depuis les votes du Congrès et un plébiscite dont le résultat était prévisible. En définitive, un processus constitutionnel normatif a été conçu pour établir une camisole de force qui empêche la participation réelle des citoyens, des présidents des associations de base, des indépendants et des peuples originaires.
    De cette façon, ils ont réussi à assurer l’hégémonie dans les partis de gouvernement et d’opposition en dépassant les 2/3 des constituants, laissant les quotas indigènes et indépendants, comme un signe d’une prétendue légitimité démocratique.

     

    Préambule Trois. RoyautéNews : Désormais, nous devons considérer cette situation historique et formidable : pour la première fois, un Mapuche participera à la course institutionnelle, à travers les élections présidentielles qui auront lieu en novembre. Il s’agit ici de laisser la simple, mais juste exigence, revendication ou réclamation, pour entrer pleinement dans l’action légale et politique au plus haut niveau.


             Avant d’aller plus loin, un mot pour commenter maintenant que les choses ne seront plus jamais comme avant ?

     

    Diego Ancalao : - Les vieilles pratiques et l'institutionnalité décadente éprouvée dans les élites ont été rejetées en vue de la Constituante et maintenant il faudra voir comment cela se manifeste dans les présidentielles. Les Indigènes et le Chiliens et les Chiliennes, nous devons nous unir et recueillir la richesse qui habite notre diversité pour faire face à l'extraordinaire défi commun : restaurer la démocratie et un authentique bien-être pour tous.

    Dans cette voie choisie par une majorité qui s'est réveillée, nous avons décidé de proposer une candidature présidentielle, pour être la voix de l'unité politique et sociale d'un peuple qui veut parvenir à un Bien-Être inclusif et ouvert à toutes celles et tous ceux qui se sentent appelés à cet objectif de transformation.

    Nous savons que cette campagne ne sera pas facile. Cependant rien ne peut freiner la puissance de millions de gens qui réclament un changement. On nous a dit qu'un Mapuche jeune ne pourrait jamais devenir Président du Chili, que nous ne devrions pas tenter une aventure aussi risquée, que nous ne pourrions vaincre les partis unis contre nous. Mais c'est précisément en raison de ces obstacles que nous nous sommes engagés dans cette tâche, qui nous est confiée depuis mes ancêtres qui ont donné leur vie pour la liberté de notre Peuple, et aussi par tant de gens qui nous ont encouragés à rechercher les conditions de l'égalité pour toutes celles et tous ceux qui croient dans le Bien Vivre.

     

    RoyautéNews :  

    (Cette candidature) Est-ce pour changer complètement l'état des choses, spécialement cette invisibilisation du Peuple Mapuche, et des autres peuples originaires ?

    (la réponse à cette question date du mois de mars, avant l'officialisation de la candidature)

     

    Diego Ancalao : Tout d'abord il faut signaler que "Nous, en tant que Mapuches, nous pouvons être une chance pour résoudre les problèmes du Chili".

    L'histoire de mon Peuple Mapuche, et aussi la mienne, me permettent aujourd'hui  de formuler, en toute propriété, mes idées sur les douleurs du Peuple Chilien. Cela tend à établir une nouvelle normalité, un nouvel ordre, une manière différente de comprendre le développement et finalement l'intronisation de la personne comme le centre de la vie publique et le sens ultime de la coexistence sociale.

    Je suis Mapuche, et comme tel, j'ai vécu, aussi haut que remonte ma mémoire, l'expérience quotidienne de la discrimination, l'abus de pouvoir et l'exclusion de la part d'un État  qui a prétendu nier l'existence de mon Peuple.

    Nous sommes un peuple digne qui n'a jamais cessé de lutter pour les droits qui les concernent. C'est ainsi que nous avons vaincu l'empire espagnol, des mains de Pelantaro de Puren indómito, ma terre. Au-delà des sacrifices que cela implique. En cela nous sommes, depuis 480 ans. Et nous voici vivants, et avec la force ancienne qui nous tient debout. 

    Nous devons mûrir une conscience de Peuple Mapuche, et une conscience citoyenne pour nous unir. En effet nous découvrons ces coïncidences fondamentales de tous les exclus, qui ont des traits clairement identifiables. "L'avenir retardé du Chili est intimement uni aux peuples indigènes, nous ne pouvons cheminer seuls"...

    De manière très explicite, le Peuple a hissé de nombreux drapeaux, mais deux en particulier : celui du Chili et celui de la nation Mapuche, en un geste de réparation et de restitution véritablement émouvant. En effet cela a été un symbole de ce que c'est le Peuple qui a installé les Mapuches en un lieu que l'histoire officielle a tenté d'ignorer. Ce que n'ont pas fait les détenteurs du pouvoir, ce sont les gens ordinaires qui l'ont fait dans un puissant signal de valorisation de l'identité de la nation indigène.

    Cette simplification de l'idéologie qui nous a dominés depuis cette époque ne cesse de révéler la racine du problème auquel nous sommes confrontés aujourd'hui : il existe deux Chili, celui d'un petit groupe privilégié, et l'autre dans lequel vivent les exclus, de la modernité, directement dans la pauvreté ou dans la fragilité absolue de cette soi-disant classe moyenne".

    Cela ne signifie pas recommencer l'Histoire à partir de zéro. Mais bien, qu'il faut réapprendre des modes différents pour nous relier réciproquement, de produire la richesse et de partager cette richesse. Créer une société solidaire est possible.

    Ma première analyse portait sur la situation des peuples originaires de tout le pays et particulièrement de mon Peuple Mapuche, mais très vite je me suis aperçu que le contexte d'exclusion de nos peuples n'était que le reflet du vécu quotidien d'une majorité silencieuse du pays.

    Des faits historiques et récents révèlent que les cas de corruption politique, le financement irrégulier des partis, spécialement par des entreprises privées, l'impunité des fils des possédants, la collusion révoltante d'entreprises dépourvues de scrupules et aussi la répression injuste du Peuple Mapuche et l'impunité des assassins de Camilo Catrillanca et de quinze autres Mapuches, protégés par des montages démontrés, ont rongé et finalement épuisé la crédibilité de l'État et de la plupart des institutions.

    Il me semble que le plus grand problème à résoudre pour sortir de la crise actuelle est, précisément, la caste politique qui en a été le produit. Cela regarde les fonctions essentielles de la bonne politique qui sont, d'une part, la promotion du bien général plutôt que du bien particulier, et d'autre part, la capacité de prendre des décisions collectives, exprimant les intérêts des citoyens.

    Il nous faut une nouvelle politique qui s'oriente de manière systémique à réduire les inégalités structurelles dont souffrent des millions de Chiliens et pour influer sur les conditions objectives des ménages, de telle sorte qu'il soit possible d'atteindre les aspirations de mobilité sociale et de qualité de vie que le peuple réclame.

    Les exigences d'aujourd'hui, sont un meilleure qualité de la démocratie et de la représentation politique ; et une meilleure capacité redistributive de l'État.

    La qualité de la démocratie dépend dans une large mesure de la qualité de ses dirigeants, et dans ce domaine la pauvreté est extrême. Je me prends à dire qu'en ces temps, les conditions principales qui doivent s'exiger des politiciens sont la simple et pure décence, en premier lieu, à quoi il faut ajouter, qu'ils soient des serviteurs publics, avoir une vision d'État centrée sur le bien commun, et les compétences professionnelles qui les habilitent à résoudre des problèmes.

    Le projet du Bien-Vivre

    L'idéal de société Mapuche consiste en la configuration d'une communauté pour le Bien-Vivre de la majorité et non pour le "bon fonctionnement" du marché. Comme un écho lointain, mais puissant, à partir duquel les cultures indigènes ancestrales nous appellent et nous invitent au bien vivre (bien-être) (kumemogen" en mapudungun ; ndlr la Langue Mapuche) et à assurer, à chacun, une vie digne.

    Selon ce concept, le bonheur des gens ne consiste pas en la pleine réalisation de toutes leurs attentes et de leurs intérêts individuels, mais dans la valorisation du bien commun comme principe supérieur. La condition humaine nous transforme en une famille globale, unie par des liens de profonde solidarité et de respect. La grande majorité des ces nations premières vivaient selon ces "règles d'or", selon lesquelles la liberté personnelle et l'égalité communautaire n'étaient pas des valeurs contradictoires, mais étroitement dépendantes l'une de l'autre.

    Nous devons nous situer bien au-delà des idéologies qui, tout en étant légitimes, peuvent nous transformer en îles indépendantes où chacun impose les règles qui lui conviennent le mieux. Ces mondes polarisés ont démontrés leur échec et ont créé beaucoup de frustration.

    La culture Mapuche place la valeur de la vie au centre du développement. En effet, pour les peuples originaires le bien être est important comme source inépuisable du développement humain, qui se traduit par le besoin de vivre en harmonie avec soi-même, avec la communauté et avec la Nature.

    Ainsi, par exemple, la sentence : "Que rien ne manque à personne, et qu'il (le bien) profite à tous". L'essentiel pour obtenir une qualité de vie basique, est conservé par le Peuple Aymara, dans sa vision de la “Suma kamaña” ou Bien Vivre.

    Ainsi, ce modèle peut être une contribution pour le Chili qui vient de se réveiller, plus d'un cauchemar que d'un rêve.

    Par conséquent, le futur du peuple Mapuche et des autres peuples originaires sera brillant ou éteint, selon ce que seront ses gouvernants. pour cela, nous sommes appelés à créer une force politique, dans le cadre démocratique, parce que sinon, on nous rejetterait hors de lui, mais non seulement nous devons nous considérer comme des Mapuches, mais que nous pouvons être aussi une chance de résoudre les problèmes du Chili.

    Il ne serait pas étonnant de penser à Diego Ancalao comme une figure possible aux prochaines élections présidentielles. Ancalao a depuis des années consolidé un projet politique, il fut candidat indépendant au poste de sénateur, et comme il le soutient, il a besoin d'un bloc politique social et plurinational.

    C'est la voie à suivre pour récupérer les droits sociaux, politiques et économiques qui nous ont été enlevés et qu'aujourd'hui, nous avons décidé de récupérer et de restaurer dans toute la mesure du possible.

    Je souhaite inviter le Peuple Chilien, à nous faire (l'un avec l'autre) les porteurs de notre destin et à lutter pour le bonheur auquel nous avons droit.

     

     

    RoyautéNews : - Dans cette question comme ensuite, nous ne traiterons plus du Bien Vivre, dans lequel peut se reconnaître tout Chilien, ou toute personne dans le monde, mais nous allons parler de la candidature présidentielle, dans sa portée générale et qui va au-delà des idées de positionnement.

       Votre candidature, lorsque vous invitez le Peuple Chilien, doit-elle donc être conçue, et perçue comme une offre politique à tous les Chiliens, et qui couvre tous les problèmes, pas seulement ceux des peuples originaires, mais de toute la population ?

     

    Diego Ancalao : Les mouvements de protestation lancés il y a plus d'une décennie par des lycéens et qui ont atteint leur point culminant en Octobre 2019,  se sont transformés en un cri qui réclame la dignité des personnes et de la Nature, et un mandat des citoyens pour l'établissement des conditions d'égalité approfondissant la démocratie, les droits de l'homme et une santé intégrale de notre communauté de vie. 

    Les thèmes que nous voulons installer dans la campagne présidentielle sont: l'inclusion du savoir indigène pour l'intégrer à la forme du travail et à la vision de nos institutions fondamentales. La correction de mauvaises pratiques et habitudes, fondées sur une ambition excessive, l'égoïsme, le manque de compassion et l'indifférence pour les plus oubliés ; la réparation et la guérison des abus commis contre les enfants, les femmes et les adultes majeurs. Et une Éducation qui nous permette de passer d'une culture basée sur la compétence et la séparation, à une culture dans laquelle prime la collaboration, le respect du dialogue, de la diversité, et de l'écoute de tous les secteurs de la société.

    Dans cette campagne (comme je le disais plus tôt) nous nous situerons bien au-delà des idéologies qui, tout en étant légitimes, peuvent nous transformer en îles indépendantes où chacun impose les règles qui lui conviennent le mieux. Ces mondes polarisés ont démontrés leur échec et ont créé beaucoup de frustration.

    Oui, bien sûr, ce sera une candidature pour être Président du Chili, un descendant des libérateurs Mapuches.

     

    Certains lecteurs pourront penser que ces déclarations seront seulement les aspirations d'un groupe d'idéalistes. On pourra penser que cela sonne bien, comme une poésie romantique élaborée. Mais on a dit la même chose à Martin Luther King lorsqu'il luttait contre le racisme, à Gandhi, quand il cherchait l'indépendance de l'Inde par la voie de la non-violence, à Nelson Mandela, quand il croyait en la nécessité d'en terminer avec l'apartheid, et à Pelantaro, mon ancêtre, quand on lui disait qu'il ne pourrait jamais vaincre les conquistadors espagnols. Et tous ces oracles se sont lourdement trompés. Je ne prétends pas me comparer à ces figures marquantes de l'Histoire, je peux seulement affirmer que j'ai des convictions qui ont poussé ma vie, depuis que j'ai découvert les difficultés d'être Mapuche, pauvre et discriminé par mon origine. Cela, loin d'animer en moi l'esprit de vengeance, m'a fait valoriser la vérité, la justice, la liberté, la fraternité, l'égalité et la paix, comme fondements de la coexistence sociale et du développement humain intégral.

     

    RoyautéNews : Croyez-vous qu'un Chilien d'origine différente de celle des peuples originaires peut se reconnaître dans l'éventail de propositions et de réformes que vous allez proposer, vous et vos amis ?

     

    Diego Ancalao : Oui, bien sûr. Comme je le disais plus tôt « l'histoire de mon peuple Mapuche et aussi la mienne, me permettent aujourd'hui de formuler, à juste titre, mes idées sur les souffrances du Peuple Chilien. Il s'agit d'établir une nouvelle normalité, un nouvel ordre, une façon différente de comprendre le développement, et finalement, d'installer la personne comme le  centre de la vie publique et le sens ultime de la coexistence sociale. »

     

    RoyautéNews : Pour les lecteurs du monde entier qui suivent l'évolution de la situation chilienne, pouvez-vous nous dire ce que cette candidature assurera, en dehors de l'exposition médiatique, et notamment sur le plan institutionnel, par exemple quant à participer à des tables de négociation ? 

     

    Diego Ancalao : Le Chili requiert une profonde libération des liens qui nous ont été imposés. Cette liberté proviendra de qui seront disposés à conserver leur indépendance et seront prêts à faire face aux adversités que cela implique, comme l'ont fait nos ancêtres, et comme notre Peuple le fait chaque jour. La libération sera le résultat des conditions de plus grand égalité, de la garantie des droits,  de la conscience de nouveaux devoirs de citoyenneté et de la conscience d'être une communauté fraternelle et solidaire.

    Les négociations seront le résultat d'un processus. Non l'objectif de ce processus.

     

       RoyautéNews : - En particulier, qu'est-ce que (la candidature) cela changera  pour ce qui est de la participation aux tables de négociation, autour de questions importantes que le processus constituant actuel en prévoyait pas, comme aussi vous l'avez signalé en différents textes ou articles ?

     

    Diego Ancalao : Dans cette situation de triomphe des indépendants et la déroute du système des partis politiques, tout pourrait changer. Et les conditions sont réunies pour qu'un indépendant soit Président du Chili, pour la première fois.

    Les dernières élections ont fini de remettre les choses à leur place. Il apparaît en évidence que le Chili est en train de se transformer par le bas. Selon Moisés Naím, ce qui se passe, n'est pas causé par la rivalité de méga-acteurs, mais comme la montée en puissance des micropouvoirs et leur capacité de défier les puissants avec succès.

     

    RoyautéNews : Le fait d'avoir été candidat, ouvrira-t-il par exemple plus facilement la question de la représentation politique des peuples originaires, permettra-t-il d'obtenir des sièges réservés, non plus dans un processus constituant inefficace et pour le moins incertain,  mais au sein des organes supérieurs de prise de décision, où tout se décide : au Congrès, spécialement au Parlement, et plus exactement cela facilitera-t-il un jour l'ouverture d'un nombre plus grand de sièges réservés ? (pour le lecteur, seulement 17 sièges ont été ouverts au lieu du nombre de 24, prévu d'abord pour accueillir les rédacteurs de la nouvelle Constitution) 

    Diego Ancalao :  - Bien entendu, notre candidature vise à éviter la dispersion du pouvoir politique qui vient d'être conquis par les peuples autochtones, et contribuer à impulser le changement dont les peuples ont besoin.

    Il est important de souligner que la seule inscription comme candidat avec 30 000 signatures est un triomphe politique, qui jamais en 200 ans de république n'a été atteint, ce qui transforme automatiquement le dialogue ou monologue unilatéral en un débat plurinational et interculturel.

     

    RoyautéNews : De façon générale, grâce à la légitimité obtenue en termes de représentation populaire, qu'est-ce que cette candidature pourrait obtenir après cette impulsion ? 

     

    Diego Ancalao : En effet, nous nous trouvons à un moment de chute du système politique unique, de la crédibilité des politiciens et le manque de confiance du publique dans les institutions, qui ont créé le moment propice pour que des projets comme le nôtre deviennent viables.

     

    L'épicentre des décisions s'est transporté en la demeure de n'importe quel habitant, de quelque lieu que ce soit dans le pays. Et les gens ont décidé de faire confiance à un voisin ou à une voisine qu'ils ont vu grandir, cherchant la certitude d'une représentation efficace, et non soutenue sur des promesses de campagne.

     

    La politocratie, celle des partis, a été démolie, et la dignité de la charge de Président de la République a été gravement mise à mal par un homme d'affaires déguisé en homme politique, dominé par un narcissisme pathologique.

     

    Le résultat de l'élection de l'Assemblée Constituante marque un avant et un après dans l'Histoire du Chili. En même temps que la politocratie est à terre et la caste politique en déroute, l'épicentre des décisions retourne au Peuple. En ce moment, Indigènes, Chiliens et Chiliennes, nous devons nous unir pour le Küme Mongen et ainsi la diversité coexistera dans des conditions de plus grande équité et avec un respect total pour la Terre Mère.

     

    Après les dernières élections (de ce mois-ci) et cette transformation depuis le bas et l'ascension des micro-pouvoirs (voir plus haut), la caste politique et économique ne parvient pas à observer ce qui se passe devant elle. Elles devraient se regarder dans un miroir pour apercevoir le visage de leur échec qui a causé désespoir, frustration et abandon. On récolte ce que l'on a semé. 

     

    RoyautéNews : Qu'en est-il de la question des registres de vote et le fait que 700 000 Mapuches au moins, n'y sont pas inscrits ?

     

    Diego Ancalao : La participation du registre indigène n'a pas dépassé 30% de participation. Cependant, dans le cas de notre candidature présidentielle, le registre est ouvert et tous peuvent voter sans s'inscrire.

     

    RoyautéNews : Quelle sorte de reconnaissance souhaitez-vous obtenir (pour le Peuple Mapuche par exemple) et qui ne soit pas une reconnaissance folklorique ? Ainsi qu'à propos de la reconnaissance d'un État plurinational ?

     

    Diego Ancalao : Ce que nous demandons à l'État est l'autonomie territoriale, politique, administrative et économique, qui permette la création de parlements par identité territoriale, ce qui serait en parfaite syntonie avec la convention 169 de l'OIT* notamment les articles 7 et 8, qui se réfèrent à la manière propre d'organisation que se donnent les peuples et de décider de leur avenir dans tous les domaines du développement. Pour l'atteindre, la création d'un sattut d'autonomie est nécessaire, conclu entre l'État et le Peuple Mapuche, comme cela a été obtenu avec grand succès dans beaucoup de pays du monde. Cela n'est pas contradictoire avec une véritable intégration dans la diversité. la coexistence des peuples est parfaitement possible dans la mesure où les Chiliens continuent d'être régis par les lois nationales et le Peuple Mapuche par des lois spéciales. 
    (* Organisation Internationale du Travail ; ndlr)

    Bien sûr, nous devons former un consensus, d'abord, entre ceux qui cherchent à libérer notre Peuple Mapuche des chaînes de la ségrégation politique et de la spoliation territoriale, qui a pour conséquence la pauvreté matérielle et l'inégalité sous toutes ses formes. Il n'est plus possible d'attendre 140 ans de plus. C'est la tâche de la nouvelle génération de dirigeants. Soyons clairs et précis là-dessus : face à cette tentative d'extermination et d'assimilation de notre Peuple, l'union doit être supérieure à nos légitimes différences. C'est la façon de vaincre, une fois pour toutes, les groupes de pouvoir qui ont fait l'État à leur convenance et l'ont transformé en un outil de discrimination, de ségrégation et d'inégalité.

     

     

    RoyautéNews : Que voulez-vous dire par cette expression amusante et très significative du « dégouvernement » ?

     

    Diego Ancalao : Le manque de direction politique, le manque de vision d'un homme d'État qui a aggravé les conflits depuis que l'inégalité sous toutes ses formes a érodé profondément la démocratie.

     

    RoyautéNews : Quel mode de développement désirez-vous, (ainsi que sur la nouvelle épistémolgie de développement dont vous avez parlé) ?

     

    Diego Ancalao : Le Bien Vivre est une utopie et en même temps une possibilité certaine. Il est une utopie, parce qu'il constitue le rêve d'un pays différent, composé de tous ceux et celles qui acceptent une coexistence dans la diversité, sous les conditions de la plus grande équité dans le respect total de la Terre Mère. Mais aussi, il est une possibilité certaine, puisque les peuples indigènes ont vécu des millénaires avec ce précepte. En effet l'unité de base de la civilisation humaine est la tribu. En elle, chacun a besoin du travail d'un autre, jusqu'à constituer une communauté étroitement interdépendante. C'est ce que nous montre aujourd'hui la pandémie, en ce sens que si vous vous comportez de façon responsable, vous sauvez la vie d'un autre. A l'époque tribale, celui qui chassait un animal le faisait pour sa tribu, pas pour le vendre au plus offrant. En réalité nous ne venons pas proposer des idéologies qui nous seraient étrangères, mais de ce que nous sommes vraiment.

    "Le fait que le drapeau Mapuche soit utilisé par les Chiliens et les Chiliennes dans les manifestations massives, nous parle d'une identification avec les exclus, et donc avec le Mouvement pour le Bien Vivre du Chili. Cette candidature représente les besoins de tout le Chili dans le cadre de la norme du système démocratique existant."

     

    Sur cette voie, choisie par une majorité qui s'est réveillée, le Bien Vivre, inclusif et ouvert à toutes et à tous, se transforme en un élément d'unité politique et sociale des peuples, et de ceux qui se sentent appelés à cet objectif de transformation.

     

     

    RoyautéNews : Que pourriez-vous dire au sujet de la collecte des signatures dont vous vouliez parler ?

     

    Diego Ancalao : Ma candidature ne se situe pas exclusivement à partir de ce qui est Mapuche, mais comme représentant de deux mondes, le Mapuche et le Chilien, intégrant la culture ancestrale des nations originaires qui vivent au Chili avec la culture du Chili métissée contemporaine.

    "J'ai toujours soutenu que la confrontation politique se résolvait dans le cadre démocratique, dans un dialogue politique, mais interculturel et plurinational." Il s'agit d'une candidature citoyenne indépendante et autogérée, elle n'est financée par aucun parti politique, aucune entreprise, organisme ou groupe d'intérêt. C'est un appel à tous les citoyens et citoyennes du pays pour appuyer, de son nom sur SERVEL ** la première candidature Mapuche à la présidence, de manière à inclure la vision du monde, la philosophie et la gouvernance indigène dans le débat présidentiel.
     

     

    ** Service électoral officiel du Chili ; ndlr.

     

    RoyautéNews : Les autres partis, y compris l'opposition, maintiennent seulement en place un état de choses qui ne change pas au Chili, le laissant être un pays socialement gelé, rétrograde, et qui a laissé aéchapper toutes les occasions qui pouvaient lui ouvrir l'espace d'une démocratie adulte. Pouvez-vous confirmer que vous situez votre candidature dans cette perspective, pour emplir un espace qui en réalité ne semble pas exister ?

     

    Diego Ancalao : La politocratie a été démolie, la dignité de la charge de Président de la République, gravement atteinte par un homme d'affaires déguisé en politicien. Il est devenu clair qu'il existe un vide de pouvoir qu'en ce moment le PC et le FA***, la citoyenneté consciente leur a déjà fait clairement comprendre qu'ils font partie du problème.

    *** Parti Communiste et Frente Amplio

    Nous devons aspirer humblement, sans aucun recul, à remplir ce vide de pouvoir et éviter qu'il ne soit rempli par d'autres personnes qui reviendraient nous tromper.


     

    "Tout est possible quand existe la foi et un rêve partagé". Dans notre pays beaucoup vivent dans des conditions indignes que personne ne mérite.

    Les peuples originaires, les métis et les pauvres sont une réalité que beaucoup ignorent ou simplement ne veulent pas voir. Je ne suis pas disposé à ce que cette situation se maintienne. L'apathie, l'indifférence et la résignation ne sont pas des options pour moi. Les choses doivent changer et nous serons ce changement.

     

    "C'est la force que je veux partager : Il est possible de réaliser nos rêves et vivre dans un monde plus juste". Les choses doivent changer et nous serons ce changement. Voici et homme jeune, avec force et intégrité, sans peur, né dans cette terre de Purén Indómito **** - la terre du Libérateur du Peuple Mapuche, Pelantaro y Ancalemun - capable de vaincre l'adversité et que je connais depuis qu'il est enfant. Si vous-même vous avez la conviction et la foi, nous serons invincibles. Le temps est venu de penser, et d'exécuter le projet pour le Bien Vivre qui nous rendra honneur et dignité. Je n'ai aucun doute ni aucune peur car j'ai vu la grandeur et le courage de mes ancêtres."

     

    *** Qui ne se traduit pas mais veut dire Purén Invaincu. Ndlr.

     

    RoyautéNews : Merci !


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