• L'Interview d'Isaure de Saint-Pierre

     

    11 Photo DR © Albin Michel

     

    Isaure de Saint-Pierre est l'auteur de plus de vingt-cinq romans, dont parmi eux un certain nombre de romans historiques aux titres flamboyants et évocateurs.

     

    Entre autres, La dernière Impératrice, ou La Magnifique, ou encore Chirurgien de la Flibuste. 

     

    Parmi eux aussi, Bosie and Wilde - la vie après la mort d'Oscar Wilde, ou La Dame de coeur - un amour de Napoléon III, consacré à la Comtesse de Castiglione, ou encore, Raspoutine, le fol en Christ.

     

    Elle a publié en 2009 Bouthan, le royaume du Dragon, ainsi que  L'Impératrice aux chimères, et elle  vient de publier au mois de Mai 2011, Marie Stuart - La reine ardente.

     

    Après avoir collaboré à de grandes revues telles que Les Nouvelles Littéraires, Géo, pour laquelle elle rencontra le Dalaï Lama, Paris-Match, Vogue Hommes, VSD, Le Spectacle du Monde, elle a continué de partir autour du monde comme grand reporter free lance.

     

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    L'interview d'Isaure de Saint-Pierre  -

     

    -  La passion est certainement le maître-mot dans vos biographies. Est-elle le choix qui vous a guidée ?

     

    Talleyrand disait : « Tout ce qui est excessif est insignifiant ». Mais pour moi, les êtres sans excès ne suscitent guère un récit. J’aime Marie Stuart parce qu’elle était une femme douce et tolérante dans une période de brutalités religieuses, confiante parmi des politiques retors, fidèle en amitié dans une cour vénale et qu’elle prétendit vivre sa passion avec son Grand Amiral et l’épouser, en un temps ou une reine ne pouvait se marier avec l’un de ses sujets. Allant à contre courant des usages de son siècle, elle fut forcément sacrifiée, puis elle mit en scène une mort grandiose, qui en fit finalement le vainqueur de sa rivale, la reine Elisabeth Ier d’Angleterre. De même, j’ai aimé les Borgia («Les mirages de Naples»), une impératrice de Chine prétendument sanguinaire («La dernière impératrice») ou une femme allant jusqu’au bout de ses rêves (« L’impératrice aux chimères »). Et je sors en novembre prochain chez Albin Michel l’épopée d’une reine guerrière dans les Aurès algériens au VII è siècle (La Kahina reine des Aurès).

     

     

     -  Peut-on dire qu'elle est ce qui vous guide dans la vie ? 

     

    C'est vrai que la vie sans passion ne vaut pas pour moi la peine d'être vécue, mais il ne s'agit pas seulement de passion amoureuse, souvent vouée à une fin tragique. Je suis toujours passionnée par ce que je fais, ce que je vis. La tiédeur des sentiments ou des enthousiasmes ne me convient guère et je la comprends mal. J'aime les engagements, même s'ils peuvent se révéler dangereux. 

     

     -  Les héros de vos livres de vos romans sont-ils toujours des personnages extraordinaires, parfois avec un destin tragique ou original ?

     

    J'ai déjà un peu répondu à cette question dans la première. Pour les biographies, je choisis toujours des personnages extraordinaires et le fait de sortir du lot appelle souvent un destin tragique, ainsi Oscar Wilde, dont les amours sulfureuses ont causé la perte de sa liberté, de sa fortune, de ses fils, la Castiglione, l'une des plus belles conquêtes de Napoléon III qui refusa de demeurer dans l'ombre ou un chirurgien de ma petite ville de Honfleur qui partit en quête d'aventures sur toutes les mers du globe au temps de la flibuste («Bosie and Wilde la vie après la mort d'Oscar Wilde», «La Dame de Coeur», ou «Chirurgien de la flibuste»).  

     

     

     -  Cet attrait est-il ce qui vous a orientée vers le journalisme de reportage à travers le monde, d'abord pour de grandes revues, puis comme journaliste indépendant  ?

     

    Aînée d'une famille de cinq enfants, j'ai été élevée comme un garçon par mon père, l'écrivain Michel de Saint-Pierre. Après des études de Droit assez minables, je me suis dit que les dossiers n'étaients vraiment pas faits pour moi. Comme mon chirurgien de la flibuste, j'ai voulu courir le monde et j'ai souvent pris beaucoup trop de risques lors de reportages dans des pays agités, tels Israël ou le Yemen. Pourtant mon pire accident s'est produit bêtement, au-dessus de Megève, lorsque ma montgolfière a explosé contre un pylône à haute tension, s'est enflammée puis cratchée. Résultat, quatre mois d'hosto et de multiples opérations. Les médecins ne comprennent toujours pas comment je m'en suis sortie. C'est vrai que j'aime le danger.

     

     

     -  Portez-vous si c'est le cas, un regard sur la littérature contemporaine, et se porte-t-elle bien ?

     

    Ça m'est assez difficile de juger la littérature contemporaine française, les gros succès littéraires allant actuellement à des auteurs lus surtout par des ados (Frédéric Beigbeder ou Amélie Nothomb par exemple). Mais je comprends mieux les succès d'un Jean-Christophe Grangé dont certaines intrigues sont vraiment bien ficelées. Autrement, j'adore les thrillers des deux Patricia, Cornwell et MacDonald, ou l'étrange univers d'un Donato Carrisi («le chuchoteur») ou de Katarina Mazetti («Le mec de la tombe d'à côté») ou d'amusant récits érotiques comme les dix mille désirs de l'Empereur de José Frèches. Ce ne sont pas forcément les gros succès de librairie qui révèlent un courant littéraire. Il me semble qu'en ce moment, à cause du cinéma et des séries télévisées probablement, le public réclame une action rapide et de l'exotisme, de préférence aux romans français souvent plus intimistes. 

     

     

     -  Quelles sont vos découvertes ou passions que vous rencontrez en voyageant ?

     

    Quand je voyage loin et longtemps, j'essaie de préférence de dénicher des endroits peu fréquentés des touristes, des contrées sauvages et encore presque intactes telles que celles de l'Himalaya par exemple, où j'ai beaucoup vadrouillé, ce qui m'apprend à comprendre des civilisations fort éloignées de la mienne et des nos habitudes occidentales de grande consommation. J'aime me fondre parmi une population jusqu'à être acceptée, invitée aux cérémonies religieuses même les plus secrètes, aux mariages, dormir chez l'habitant dans des conditions souvent plus que précaires, partager la vie d'une famille, rendre compte d'un art de vivre peu connu. Mais j'adore aussi, pour une période plus courte, voyager moins loin et prendre le pouls d'une ville. Je viens ainsi de passer une semaine passionnante à Berlin, à me gaver de musées et d'expositions, à tenter de comprendre l'atmosphère de cette ville encore blessée par la guerre et son horrible Mur et ce dynamisme qu'elle inspire.

     

     

     -  Les personnages originaux que vous choisissez sont-ils toujours connus ?

     

    Pour mes biographies, je ne choisis pas forcément des personnages connus, je préfère même qu'ils le soient assez peu. Ce qui m'incite à écrire leur histoire, c'est leur destin, les choses rares, affreuses ou sublimes qu'ils ont pu accomplir ou vivre. J'essaie alors de voyage vraiment dans le temps, de m'imprégner des moeurs de leur époque, de connaître leurs goûts, leur lecture, musique ou art les ayant influencés. Aligner des faits sortis de leur contexte n'a bien sûr auncun intérêt, c'est pourquoi une biographie doit se préparer longtemps.

     

     

      -  Quelles sont vos préférences dans la mode, et en particulier avez-vous une préférence pour les années 80 par exemple ou pour les vagues suivantes ? Pour vous-même, les modes confortables ou l'élégance stricte, ou les deux combinées ?

     

    Ancienne babacool, car ma passion des voyages remonte à loin, je n'aime rien autant que m'habiller sur place, sans aller toutefois à me déguiser. Mais j'adore découvrir les créations originales des peuples que je rencontre, les essayer sur moi et souvent les adopter. Je ne quitte guère une veste en peau de chameau achetée en Mongolie (pauvre chameau, mais là-bas, ils les mangent), des tuniques brodées par des femmes gypsies du nord Cachemire, un vrai cachemire de la région fait avec le poil si doux de la gorge des biquettes. En baroudeuse, il me faut des tenues confortables de treck. Quand je sors, j'aime agrémenter un sobre pantalon noir d'une tunique délirante rapportée de l'autre bout du monde, j'en ai venant d'Ouzbékistan qui sont assez farfelues... Je ne suis guère à la mode française, mais j'admire un créateur tel que Christian Lacroix par exemple, car chacune de ses collections dégage une vraie atmosphère. 

     

     

     -  Pourriez-vous nous parler des grandes causes, si c'est le cas, qui attirent votre attention ?  ( nous allons parler des rhinocéros, des phoques et des pigeons )

     

    Je déteste bien sûr qu'on massacre la nature et surtout les animaux. Les pauvres rhinocéros tués pour la vertu soi disant aphrodisiaque de leur corne ou les malheureux ours dont on prélève la glande thyroïde pour les mêmes raisons, ces pratiques barbares me font horreur. J'ai vu sur un marché indien un poulet découpé vivant car ainsi la viande restait fraîche plus longtemps... L'esclavage des enfants me semble être l'un des pires fléaux du monde sans parler du pire de tous, les enfants soldats. J'ai souvent fait des reportages sur des enfants et demandé à mes lecteurs d'envoyer des dons à des ONG sérieuses que j'avais testées. Leur générosité m'a touchée. Je milite aussi, bien sûr, pour le droit des femmes et le port accru de la burka dans des pays tels que le Maroc ou la Turquie m'inquiète car il s'accompagne le plus souvent d'une diminution de l'instruction des femmes et de leurs droits. Je voudrais aussi que la peine de mort soit interdite dans le monde entier. Enfin, voyageant beaucoup, la notion de racisme continue de me stupéfier et je regrette infiniment que cela existe encore. Ça semble si périmé...

     

     

      -  Quelques-uns de vos projets littéraires ?

     

    J'aimerais à présent renouer avec le roman contemporain, le mode d'expression avec lequel j'avais débuté. On est vite catalogué en littérature et je voudrais bien n'être pas uniquement une romancière historique ou une biographe, mais c'est difficile à faire admettre à mes éditeurs, même si j'ai plusieurs romans bien différents en cours. Je m'essaie aussi au thriller, un genre très nouveau pour moi, car il ne s'agit pas d'avoir un sujet que l'on maîtrise, il faut aussi dénouer une intrigue et soigner sa fin, ce qu'un auteur best seller tel que Dan Brown semble ignorer (la quête des descendants du Christ et de Marie-Madeleine pour le "Da Vinci Code", c'est vraiment faible...).

     

      -  Merci !

     


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  • Commentaires

    1
    Samedi 15 Octobre 2011 à 16:37

    Bonjour !

     

    Une belle interview d'un auteur passionné. Je suis bien d'accord pour le manque d'attirance que présence la tiédeur de vivre. La passion, la passion sous toutes ses formes !Les personnages hors normes sont un si bon terreau sur lequel construire. 

    J'ai aimé toute cette interview, les sujets d'inquiétude et de combat (exemple l'exclavage des enfants). Une seule réponse m'a étonnée : Amélie Nothomb serait lue avant tout par les ados ? Je crois qu'elle a un public assez hétérogène. Je ne fais pas partie de ceux-ci mais son inventivité et son humour me fascinent, elle sait emporter dans une sorte de folie qui fait du bien. 

     

    Pour en revenir au sujet une interview de quelqu'un qui aime vivre, emporter aussi dans ses passions.

    Un beau sujet.

    Gros bisous, Michel

     

     

     

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    2
    Mardi 18 Octobre 2011 à 00:28

     

    Bonsoir Corine !

     

    Pour Amélie Nothomb, il faut sans doute comprendre par "lus par beaucoup d'ados". Il y a un retour relatif à la lecture, bien que limité, chez les adolescents et en général les jeunes. Leur lecture se partage autour dans ce qu'on peut appeler le genre classique (et par opposition à...), autour de quelques auteurs vraisemblement peu nombreux, et dans le roman fantastique et le manga.

     

    Je suis content qu'elle te plaise !

    Très grandes bises.

     

    3
    Mardi 18 Octobre 2011 à 00:29

     

    Merci T !!!

    4
    Mercredi 19 Octobre 2011 à 18:35

     

    Bonsoir Corine ! Très grandes bises !

     

    5
    Jeudi 20 Octobre 2011 à 11:11

    Je viens d'acheter son Marie Stuart !

    6
    Jeudi 20 Octobre 2011 à 19:37

     

    Bonsoir Chonchon !

     

    Il va y avoir un mot au sujet de la couverture de cette biographie de Marie Stuart d'Isaure de Saint-Pierre.

    Très bonne soirée et très grandes bises

     

    7
    TR l
    Samedi 30 Mars 2013 à 06:06

    Une très belle entrevue, bravo!

    8
    Corine Caporlan
    Samedi 30 Mars 2013 à 06:06

    Un passage du presque mercredi, après avoir lu ta réponse dont je te remercie.

    Grosses bises, Michel.



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