• Catalogne : un tournant à négocier avec intelligence

    RN 2 et RN 1 pour La Rédaction

    La Catalogne est à un tournant, les démocraties le sont, l'Espagne l'est aussi. Outre les violences contre les manifestants, et les réponses de Madrid au processus social en cours d'affirmation, le propos du leader Catalan : se réclamant de la République espagnole vaincue par Franco, que le pouvoir espagnol est l'héritier de Franco, et que  « l'on ne veut plus des Bourbons », appelait notre attention.

    Par RN 2

    Que s'est-il passé en Catalogne ? Pourquoi un tel fiasco ? Depuis de nombreuses années, un mouvement indépendantiste, de plus en plus fanatique et violent, exige une république de Catalogne.
     
    Après la dictature franquiste, qui avait opprimé les différentes cultures et identités du royaume, la Catalogne a été « re-catalanisée », en particulier sous la présidence de Jordi Pujol, fondateur du parti indépendantiste CiU, de 1980 à 2003. Sous la présidence socialiste, de 2003 à 2010, la Catalogne est restée autonomiste, puis Artur Mas, dauphin de Jordi Pujol, a été élu en 2010, avec une obsession pour l'indépendance, pas forcément partagée par la population, mais bénéficiant d'importants moyens de diffusion interne (médiatiques, scolaires...); qui a mis en place le premier referendum illégal en 2012 et, plus récemment avec son successeur Carles Puigdemont (Mas n'ayant pas obtenu la majorité absolue aux élections de 2015, le CiU a dû trouver un candidat plus « consensuel » pour la coalition), ainsi que de moyens peut-être externes — on ne peut qu'observer la « transparence » affichée par le nouveau « drapeau catalan ».

     

    L'objectif pour la Catalogne, est de devenir un État membre de l'Union européenne et un membre de la zone euro. A cet effet, elle a d'ailleurs, après de nombreuses années de gestion inconsidérée qui l'a laissée très endettée mais permettait un clientélisme fructueux, réduit considérablement son déficit budgétaire et l'a ramené « dans les clous » — du moins, son déficit budgétaire officiel, pas celui selon les flux financiers.

     

    Cet objectif convient parfaitement à l'Union européenne, qui souhaite dépecer les États pour mieux asseoir son autorité technocratique et atlantiste, et pour qui cette principauté, autonome depuis des siècles, avait tout (avec l'Écosse) pour donner l'élan à un mouvement plus généralisé en Europe.

     

    Néanmoins, il fallait, non seulement que la Catalogne remplisse les conditions d'adhésion à la zone euro, mais qu'elle en achève les démarches préalables, et qu'un referendum approuve cette sécession : peu leur importait l'illégalité d'une simple consultation à l'échelle de la Catalogne, alors que la Constitution de 1978, sur laquelle se fonde tout de même le régime démocratique espagnol, et qui a été votée par les Catalans comme par tous les Espagnols, exige aussi un referendum national — à moins de modifier la Constitution. Le « referendum » catalan de 2012 était un essai pas très concluant mais prometteur. Les élections de 2015 ont paru encore plus prometteuses. Mais la popularité des indépendantistes catalans s'est vite effritée avec l'austérité budgétaire, mettant à mal l'illusion d'une province riche et largement autosuffisante. Ceci malgré les pressions, harcèlements, intimidations... jusqu'à une école renvoyant cent élèves dont les parents étaient jugés anti-indépendantistes...

     

    Artur Mas était un politicien sans doute plus habile que Carles Puigdemont, qui a voulu précipiter un vote avant que les Catalans ne deviennent trop manifestement hostiles à l'indépendance; peut-être aussi, craint-il des poursuites pour corruption : en effet, Jordi Pujol a été emprisonné récemment après la découverte de 69 millions d'euros « d'origine inconnue » sur des comptes à l'étranger, et plusieurs accusations de trafic d'influence, or on peut penser que Pujol n'était pas un cas isolé; Puigdemont semble avoir reçu une aide américaine? comme en témoigne la très habile communication sur les blessures infligées par la police à des « manifestants désarmés », et qui, par son instantanéité et son exploitation de réseaux sans doute préparés, a permis d'obtenir un vote indépendantiste de la part de milliers de personnes anti-indépendantistes; néanmoins il n'y a pas eu de mort, et Bloomberg n'a pas hésité à affirmer que les forces indépendantistes n'avaient pas été assez violentes, et qu'il faut accepter de recourir à une grande violence pour obtenir l'indépendance ! Il y a eu aussi le grand embarras de Puigdemont à propos de l'affirmation d'un journal, selon laquelle la police catalane aurait été avertie par la CIA avant l'attentat de Las Ramblas.

     

    Malgré tout cela, à la fin de la journée de vote, et malgré toutes les possibilités de fraude, les indépendantistes n'affichaient que 25% de participation — devenus 42% le lendemain. Un échec retentissant, à la fois dans les urnes (les 90% ne voulant rien dire, l'abstention étant un non, et étant majoritaire) et dans le mouvement indépendantiste lui-même, qui tente de « capitaliser » sur les prétendues « violences policières », sur une idée de « dictature de l'Espagne qui ne veut pas de l'indépendance », des thèmes sensibles pour la plupart des Catalans, mais qui s'essouffle tout aussi manifestement. Après avoir annoncé une indépendance sous 48h, celle-ci est « au point mort ».

     

    Du coup, les alliés d'hier se désolidarisent et abandonnent la Catalogne (la deuxième banque de Catalogne vient même de déménager ses activités sensibles), après avoir abandonné l'Écosse.

     

    A qui le tour ?

     

    Par RN 1

    Le drame catalan vient de loin, qui est celui d'autres provinces comme la Navarre et le Pays Basque. Il est celui de la rupture d'avec la tradition espagnole exprimée par le Carlisme, cette conception monarchique qui défend l'intérêt des peuples. En face, le fourre-tout de l'actuel régime espagnol qui, de monarchie n'a que le nom et un service décoratif et qui, taillé comme tant de régimes contemporains est une de ces démocraties impuissantes, administrativement centralisées, réductrices, de plus en plus autoritaires, imbues, impersonnelles, interchangeables les unes avec les autres.

    L'erreur des Princes Carlos Hugo et Alphonse, le Duc de Cadix, aura été de suspendre sans condition leurs légitimes prétentions au moment où s'organisait, sous les auspices franquistes, la future monarchie et se dessinait et se jouait l'après-franquisme, lorsque ces deux Princes, pour ne pas diviser le tissu espagnol, acceptaient Juan Carlos qui avait reçu la préférence du Caudillo.

    La faute des rois Juan Carlos puis Felipe aura été de ne pas satisfaire les légitimes aspirations des provinces selon la doctrine Carliste. Aujourd'hui, la grande question Carliste, si longtemps après qu'elle se soit élevée, demeure la clé essentielle et unique pour, à moyen terme, retisser la société espagnole et résoudre les violences et les malaises culturels.


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  • Commentaires

    1
    TR
    Dimanche 8 Octobre 2017 à 11:56

    Il me semble qu'il y a une persistance, à la fois de la succession royale traditionnelle (qui, en raison de l'accord des princes Alphonse et Jaime à l'instauration de la monarchie franquiste, ne peut être considérée comme donnant des "rois de droit" tant que dure cette dernière), tant isabelline que carliste (les deux lignées s'étant réunies en la personne d'Alphonse XIII d'Espagne, alors en exil); et de la "tradition carliste", qui est un mouvement politique représenté par les chefs de la ligne de Bourbon de Parme, ses régents.

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    2
    Dimanche 8 Octobre 2017 à 18:11

    Certes la lignée traditionnelle existe séparément de la monarchie en place. 

    Mais, on le sait peu, la régence exercée d'abord par la maison de Parme était assortie de conditions, et c'est tout naturellement qu'elle a ensuite succédé aux premiers héritiers Carlistes.

    Ces droits ne pouvaient s'ajouter arithmétiquement à ceux, contraires, qu'Alphonse XIII possédait par ailleurs.

    Ne serait-ce que pour cette raison-là il serait bien difficile, voire acrobatique de voir en des princes, opposés à la dynastie Carliste comme aux principes Carlistes, les successeurs du Carlisme ! ☺ ☺ ☺

     

    Par ailleurs, précisons dans un autre registre que la ligne de Bourbon de Parme a abandonné, du temps du défunt Charles Hugues la conduite du mouvement politique, du moins pour sa branche.

     

    ________

    Et par voie de conséquence, et pour éviter toute interprétation erronée de notre réponse, il existe deux successions traditionnelles différentes : la succession traditionnelle Carliste, et la succession traditionnelle d'Alphonse XIII détenue aujourd'hui par le Prince Louis de Bourbon.

    3
    TR
    Mardi 10 Octobre 2017 à 19:49

    Justement, ayant conscience de ce que la vision dynastique carliste est erronée, je considère aussi le carlisme comme un mouvement politique. Pour moi, Don Carlos aurait dû être le régent de sa nièce Isabelle... ce qui fait que le titre de régent me plaît.

    4
    Mercredi 11 Octobre 2017 à 20:36

    C'est parce que vous prenez il me semble la question beaucoup plus haut dans le temps... Cela pourra faire l'objet d'un débat par ailleurs. happy happy happy



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